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Les pièges du cheminement parcouru : Analyse du discours indépendantiste - Constat d’échec et nécessité de révision
Extrait du chapitre 1 du livre sur "L'indépendance comment y arriver ?" par Ronald Sirard
Après plus de cinquante ans de luttes, l’indépendance du Québec n’a pas été atteinte. L’auteur constate que le discours indépendantiste n’a pas su convaincre la majorité, malgré sa pertinence. Le texte propose donc une analyse critique du message, des stratégies et des structures mises en place, afin de dégager de nouvelles orientations.
L’expérience politique, professionnelle et comparatiste (notamment un séjour en Nouvelle-Zélande) sert de base à cette réflexion. La comparaison avec ce petit pays prospère illustre ce que le Québec pourrait accomplir s’il était indépendant, et met en lumière le coût de son maintien dans la dépendance canadienne.
Le fardeau de la preuve : un piège à éviter
Historiquement, les indépendantistes ont accepté de porter le fardeau de prouver les bienfaits de l’indépendance. Cette posture les a placés en position de faiblesse, alors que le droit international reconnaît déjà aux peuples le droit à l’autodétermination. Selon l’auteur, ce n’est pas aux indépendantistes, mais aux partisans du statu quo de démontrer pourquoi le Québec devrait rester dans une situation d’exception, privée d’indépendance. L’indépendance est la norme, la dépendance l’anomalie. Le discours doit donc être inversé : c’est aux « dépendantistes » d’expliquer pourquoi la nation québécoise devrait se contenter d’un statut inférieur.
Redéfinir le vocabulaire et les adversaires
Nommer les adversaires des indépendantistes « fédéralistes » entretient une illusion : celle d’un Canada véritablement fédéral, basé sur un pacte volontaire entre nations égales. En réalité, la constitution canadienne enchâsse la domination d’une nation sur l’autre. Le terme « dépendantistes » reflète mieux la situation. Cette clarification permet de mieux exposer l’incohérence d’une position qui prétend qu’un Québécois devrait volontairement appuyer sa propre subordination. Être fédéraliste et Québécois, c’est nécessairement promouvoir l’idée que la nation québécoise est inférieure à la nation canadienne.
L’indépendance n’est pas un projet de fermeture ni de rejet, mais d’émancipation et d’égalité. Refuser au Québec ce droit revient à entretenir un discours méprisant, voire discriminatoire, qui suppose une incapacité congénitale à s’autogouverner.
L’indépendance comme nécessité
Le texte insiste : l’indépendance n’est pas seulement souhaitable, mais vitale. Une nation dépendante souffre de conséquences économiques, sociales, politiques et psychologiques graves, notamment sur l’estime de soi collective. Trop longtemps, le discours indépendantiste a mis de l’avant les « bienfaits » potentiels, plutôt que les effets destructeurs de la dépendance. Il faut rappeler que l’absence d’indépendance entraîne un appauvrissement, une perte de dignité et une incapacité chronique à gérer son développement selon ses propres priorités.
Exposer les incohérences canadiennes
L’auteur souligne l’hypocrisie du discours canadien : le Canada lui-même valorise son indépendance par rapport aux États-Unis, malgré des similitudes culturelles et linguistiques beaucoup plus fortes que celles du Québec avec le reste du Canada. Pourquoi, dès lors, l’indépendance serait-elle bonne pour le Canada, mais néfaste pour le Québec ? Cette contradiction doit être mise en lumière pour démontrer la légitimité du projet québécois.
Le piège du référendum et du « oui »
Le lien entre indépendance, référendum et le mot « oui » est jugé contre-productif. L’échec référendaire de 1995 a marqué durablement la mémoire collective, si bien que « dire oui » évoque souvent la défaite plutôt que la libération. Or, l’objectif n’est pas de convaincre les citoyens de voter « oui », mais de reconnaître que l’indépendance est une nécessité. Réduire le projet à une mécanique référendaire détourne les énergies vers des débats techniques (moment, question, règles) plutôt que vers la sensibilisation à l’urgence de l’émancipation nationale.
De plus, le mot « souveraineté » est critiqué comme trop abstrait et juridique. Le terme « indépendance », clair et concret, doit être préféré dans toutes les communications.
L’auteur propose donc une refondation du discours indépendantiste.
Renverser le fardeau de la preuve :
ce n’est pas aux indépendantistes de démontrer la valeur de la liberté, mais aux dépendantistes d’expliquer pourquoi le Québec devrait renoncer à un droit universel.
Redéfinir les termes :
bannir le mot « fédéraliste » et utiliser « dépendantiste » ; éviter « souveraineté » au profit d’« indépendance ».
Insister sur la nécessité :
l’indépendance n’est pas un rêve, mais une condition de survie politique et culturelle.
Dénoncer les incohérences canadiennes :
montrer que ce qui est valorisé pour le Canada doit l’être aussi pour le Québec.
Éviter l’enfermement référendaire :
l’indépendance doit être promue comme un objectif intrinsèque, et non conditionnée à un processus précis.
En somme, le texte appelle à un changement radical de stratégie et de discours. L’indépendance doit être présentée comme l’expression normale et inévitable de la dignité d’un peuple, alors que la dépendance doit être exposée pour ce qu’elle est : une anomalie politique, coûteuse et humiliante.
